Le lundi 14 janvier
2013
6時、曇り、24℃、70%。14時、大雨。
八重のハイビスカスが生き返っている。マドンナが根こそぎにし、幹が粉をふいて一時葉が全て落ちてしまった。移植して、病気対策をしたハイビスカスだ。元気に芽をふいてきたときは嬉しかった。今は蕾もつけている。
ハイビスカスの花はここでは一年中咲く。
蕾をつけ始めた八重のハイビスカス |
6時、ネット不通。13時、回復。ネットと交代に停電開始。
9時、電力料金を支払う。25270フラン(2570円)。先月が23295フラン。先々月21605フラン。こんなにちょくちょく値上げされる。去年2012年1月の請求書は9890フランだった。消費電力が増えたわけではない。この家は月間702KWhと査定されている。この数値は変わらない。電力単価が値上がったのである。この値上げの原因がインガ・ダム発電所(コンゴ最大、いや世界でも最大規模の発電所)の故障に端を発するものなのかどうかは不明。
チュニジアのデモ隊(2011年) 「Game over」のプラカードも見えるが ゲームはなかなか終わらない。 |
「アラブの春」がチュニジアから始まってから今日で丁度2年になる。2011年1月14日ベン・アリ大統領がチュニスからサウジ・アラビアに逃亡した。連日のデモがチュニジア各地で開催されていた。その中で、「ベン・アリが逃げ出した」というニュースは確かに国民側の勝利だった。しかし、その後の国会議員選挙で、第一党はイスラム系エナダEnnahdaがなり、マルズキMarzouki大統領が選ばれたが、マルズキはエナダ党ではなく少数党の党首で実権がなさそうだ。エナダ党党首はガヌシRached Ghannouchi氏。ベン・アリ逃亡から時間がたつけれども、ジャスミン革命は成就ちたとはいえず、若者層の失業率は相変わらず高く、経済は低迷したままだ。これでは国民の不満がたまるのも頷ける。チュニジアは観光立国である。
僕のこの国に対する印象は必ずしもよくはない。何しろ観光慣れしているのである。初めてチュニジアに入ったのは1973年のことで、大統領はブルギバだった。アルジェからトランス・マグレブ列車に乗ってチュニス入りした。それから何回もチュニジアには行っている。スイス時代にもジェルバ島で短い休暇を楽しんだことがある。2008年の大ライド祭日(羊祭)はハマメットで過ごした。しかし、チュニジア人の僕が見た特色は「金(かね)」である。やはり穏健なイスラム信者の多いモロッコがマグレブでは最も親しみやすい国である。
チュニジアの本当の春は、まだまだ先にあるように思う。
La Tunisie n'a rien
oublié du 14 janvier
Deux ans après la
fuite de Ben Ali, l'écrivain tunisien Taoufik Ben Brik, revient sur ce jour
mémorable pour la Tunisie.
«Ben Ali, dégage!» On demande le départ de Ben
Ali. Ce matin du vendredi 14 janvier 2011 à Tunis, tout peut basculer.
Une pluie de bombes
lacrymogènes… La foule manifeste toujours. Ils courent les uns vers les autres
en levant les bras, en levant les poings, par grappes qui se mêlent, de couleur
différente, médecins, écrivains, avocats, enseignants, journalistes, chômeurs,
lycéens, fonctionnaires, vendeurs à la sauvette, ouvriers, paysans, petites
bonnes de Jendouba.
Chronique d'un départ
non annoncé
Ballet de caméras en
train de se filmer entre elles. Là, on s’écarte avec le cercle des
journalistes… la même mêlée. La même histoire. On aperçoit la Dakhilia
("Wazir al dakhilia" ministère de l'Intérieur, ndlr), le ministère de
l’Intérieur, tant décrié, une banderole noire en travers, comme un brassard de
deuil. De tout Tunis, ils sont venus… bain de sang ou pas bain de sang?
C’est la matinée des bras levés… c’est à pleurer!
Regardez: un garçon et une fille enlacés. Les photographes sont tous en train
de louper cette photo. Nous voilà renvoyés aux liesses des révolutions, au
printemps des possibles… une autre foule arrive… partout des poings levés, des
bras levés.
«On aura sa peau!»
«Il partira coûte que
coûte!»
Pas la peine de parler
tunisien, on vit un instant universel… On s’en fout de ce qui se passera
demain. Ils sont montés sur scène, ils sont acteurs de l’Histoire, ils sont
acteurs de leur vie… citoyens de Tunis.
Sur les arbres, des
banderoles… des vagues de tension parcourent la foule… la police charge. Sous
les gaz lacrymogènes, la foule résiste… une fête, une ivresse… la police
pourrait à nouveau tirer… tout est possible… tout peut basculer... la prise de
la Bastille n’aura pas lieu. La police fait main basse sur la ville.
«Ben Ali s'est enfui!»
A 16 heures, Tunis se
vide. Une ville immobile, entièrement aux mains de l’armée. Des rumeurs
flottent dans l’air, de bouche à oreille, d’un portable à l’autre.
En janvier 2011, le
portable aura été à Tunis ce que le transistor fut en mai 68 à Paris. Des tanks
dans la rue. Seul lieu de vie, les bas-fonds occupés par les chômeurs et les
costauds de la smala. Chômeurs, enfants du miracle tunisien, criant «23 ans,
Basta!»
A 17 heures, la
nouvelle tombe comme un pic:
«Ben Ali s'est enfui!»
Des slogans, des cris,
des chants, des youyous, des habitants barricadés dans leurs appartements.
L’état d’urgence décrété. L’espace aérien fermé. Le Premier ministre, Mohamed
Ghannouchi, s’autoproclame président par intérim.
Ben Ali est parti.
Combien de jeunes abattus par les forces de l’ordre? Combien de jeunes immolés
pour que, le 14 janvier 2011, Ben Ali quitte le pouvoir? Etonnante image de Ben
Ali, ce vendredi 14 janvier, à la vingt-cinquième heure, descendant à
l’aéroport de Djeddah, en Arabie Saoudite. Des images qui frappent toute la
Tunisie.
La dictature du PPP
En Tunisie, comme partout,
un tyran peut en cacher un autre. Mohamed Ghannouchi, le Premier ministre de
Ben Ali et Fouad Mebazaa, le président d'un Parlement —non élu— et bras droit
de Ben Ali se relaient sur une présidence vacante.
Le changement sans le
changement. On a coupé la tête du canard, mais le corps bouge encore. Ben Ali
s’est éclipsé, mais il a laissé derrière lui son système qui repose sur les PPP
(parti, police, pègre).
La Tunisie du «miracle
économique» s'est pris depuis le pied dans le tapis, l’économie de la
débrouillardise a montré là son vrai visage, le visage d’une machine sans
conducteur. Une économie sans but, sans pilote dans l’avion. Un avion qui
s’écrase. Et qui s’écrase sur qui?
Sur les Tunisiens
eux-mêmes. Janvier 2013, à Sidi Bouzid, à Kasserine, à Jendouba, à Gafsa, à
Medenine, au Kef, on a vu la ruine s’installer, le chômage s’étendre. Nul parmi
les Etats partenaires de la Tunisie, n’avait
prévu cet effondrement foudroyant.
Qui peut donc
honnêtement prévoir les conséquences de cette révolution inachevée… ou
confisquée? Le 14 janvier restera un soulèvement comme on aimerait en avoir le
plus souvent. Un horrible dictateur chassé par un peuple vaillant. C’est déjà
ça!
C’est ce maigre «déjà
ça» qui court deux années durant que j’oserai raconter. Il faudrait plus d’une
décennie pour venir à bout de ce 14 janvier, un jour qui vaut mille et un jour.
Le carnaval de la
révolution
Dans l'euphorie de
l'intifada qui perdure, de ces journées lumineuses et précieuses, les Tunissois
n'ont de respect pour rien: ni couvre-feu, ni foi ni loi. Ils proposent une
Tunis ouverte, sans limites.
Un club sans cafard.
Un endroit où tout est possible. Un parc d'attraction pour adultes et enfants.
Hay Ettadhamen, quartier des khobsistes [khobs: pain en arabe, ndlr], les
fanatiques du pain, le plus grand parti du pays.
Une bastille sans
centre, sans trottoir, sans café, sans ruelle, sans impasse, sans carrefour,
sans station de taxis. Avec foule et bruit. On se croirait au sud du Brésil.
Même le ciel paraît artificiel, durant ces années de braise et de hors la loi.
Un ciel de faïence. Les enfants de la balle occupent tout l'espace et les
adultes réapprennent à aller chez les adultes d'à côté.
Un Tunis dessiné à
partir de gribouillage. On dirait un pigeon, un épervier ou un faucon. On a le
sentiment de l'avoir habité avant même de naître. C'est le carnaval. La fiesta.
Ezzarda. La révolution.
Imagine... Tunis
résonnant de mille débats en plein air, comme à Hyde Park Corner, ce coin de
pelouse londonienne où chaque passant se change, si l'envie lui en prend, en
tribun. Dans ces quartiers populos, ces corners, on peut chicaner, s'épancher.
Une femme peut cracher sur le poster géant de Zabala (signifie poubelle en
arabe. C'est également le surnom de Rached Ghannouchi]. Avant c’était Zaba
[surnom de Ben Ali).
Zabala successeur de
Zaba, sans le vouloir peut-être, avait retourné la réalité comme on le fait
d'un gant: le monde réapparu en joie. En l'air, de toutes les couleurs, les
paroles. Le pays a le charme d'un grand café, d'un grand théâtre, d'un hammam.
Sans gêne et sans honte, tout pouvait être dit.
Dans toutes les villes
et dans tous les villages, on entendait enfin se lever bavardages et
caquetages, commérages et potins, blagues et plaisanteries. Le rire enveloppait
désormais le moindre mot.
Ça bavarde dans les
ruelles, les boulevards, les souks... Il suffit d'aller dans n'importe quel
bar, on se croirait sur les planches, où que vous regardiez, à gauche, à
droite, au centre, les gens conversent, font le mariole. Un apprentissage de la
fraternité.
Les mots avant les
gestes
Chacun entre dans
cette intifada moubaraka avec ses outils, ses bidons et ses aiguilles à coudre
qui traînent dans son passé, comme une offrande. Le défi, la manifestation de
l'après-midi, la mort d'un ami sont étalés avec des mots qui s'entrechoquent,
s'entrecroisent, se multiplient, se divisent et s'enracinent.
On énumère les abîmes
enjambés sur de frêles passerelles. Puis... petit à petit les mots
s'enrichissent, des mots qui tapent fort: A mort Zabala! Les mots deviennent
habitables. Des mots contre les transgressions, la misère physique, le
handicap, le dégoût, la tyrannie. Des mots qui donnent sens à chaque
déplacement, à chaque geste, à chaque regard.
C'est moins la
gestuelle qu'on retient que la voix, les paroles débitées en rafales. On bondit
sur chaque mot à prononcer comme un fauve sur sa proie. Comme si les ayant
aussitôt dits, on cherchait déjà à les rattraper et les rapatrier dans l'antre
d'où ils sont sortis.
C'est le refus de
considérer la parole comme objet perdu, chuté, et le désir sans fin de
contrôler ce flux. Avoir le droit de nommer et être celui qui nomme et se nomme
en même temps: Je suis Slah Ferchichi et je défie Zabala...
Les Tunisiens rient de
Zabala
On vient à peine de
naître à la parole, à l'écoute de l'autre, l'écoute des mains qui savent
parler, et voilà que ça barde. On devient mordants, féroces, grossiers,
cyniques. Les gens se moquent de ses incisives de Dracula et de sa fille
Soumaya liftée. Ils rient de son gendre Bouchleka, d'un rire de Woody
Woodpecker.
Un rire qui éclabousse
la secte d’Ennahda. On rit pour ignorer la crainte. On rit pour conjurer le
ridicule des imams. On rit pour dépoussiérer la guigne. On rit pour fragmenter
le mensonge qui perdure. On rit pour injecter le courage. On rit pour aimer ce
qui est aimé déjà de tous.
Pour ces guérilleros
de l'asphalte, Zabala est devenu un filon inépuisable. De sa tête peut naître
une tête de cochon, de son œil, l'œil d'un serpent, de son sein du lait caillé,
de son postérieur une queue de cochonglier...
Ils raillent son
accent, parodient ses déambulations, réduisent en cendre «sa pensée» cachée.
Ils ont édifié un sanctuaire pour son pet. Petit à petit, ils l'ont fait
descendre dans leurs bavardages et dans leurs caquetages, dans leur commérages
et leurs potins, dans leurs blagues et leurs plaisanteries. C'est lui que,
désormais, leur rire enveloppait et prenait au piège. C'est un siège.
Et ils firent de lui
un bouffon. Zabala, le morose. Zabala, rien dans la caboche, tout dans la main
de forgeron. Zabala le barbu. Zabala ta gueule. Ils lui ont attribué des
trésors dans tous les pays, de Londres à Abou Dhabi, de Wak Wak à Baalbek. Ils
ont compté toutes les femmes -blondes, brunes, rousses— qui réchauffaient son
lit.
Ils ont dit qu'il se
dopait. Ils ont soutenu qu'il avait l'intelligence d'un enfant de douze ans.
Picasso, le talent en moins. Ils ont fait courir toutes sortes de rumeurs...
Ils ont même voulu se moquer de son pénis de sa taille, de sa vigueur, de ce qu'il
pouvait et ne pouvait plus faire. Plus c'est grand, plus c'est mou.
Les gens se racontent
les histoires de la famille? Sa famille s'occupe de l'argent. Aux petites gens,
ils escroquent leur argent.
Du temps de Zabala,
les clandestins remontent à la surface. Les ex-trafiquants de devises
deviennent des cambistes; les passeurs, des grossistes; les voleurs, d'honnêtes
banquistes.
Le temps des solistes
est révolu. C'est le règne de la djellaba-dinars. Le calcul est simple: obtenir
un crédit pour un projet bidon est plus rentable que de mettre en circulation
de la fausse monnaie. Des pots de vin pour graisser la patte à un employé trop
regardant. Ces paillards ne cessent jamais de clamer:
— Zabala le barbu!
— Débarrasse le
plancher!
— Le peuple aura ta
peau!
A Tunis, par les temps
qui courent, la maxime est toujours:
«Quelle bonne soirée
nous avons passé, comme nous avons pleuré!»
Eh bien, des jours
terribles en perspective. Tunis, en ce moment même, sèche ses larmes.
De rire ou de pleurs?
Quelle importance.
Taoufik Ben Brik
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